Le Capitaine courtise la Soubrette. Pour se débarrasser de ses hommages insistants, elle lui donne un faux rendez-vous le soir dans un jardin ou un parc sombre. Elle explique à Arlequin (jaloux) qu’ils’agit d’un subterfuge pour s’en débarrasser.
Le Capitaine se rend la nuit au lieu de rendez-vous, quelque peu effrayant. Il se parle à voix haute pour se rassurer. Arlequin, caché dans un coin, simule l’écho en répétant les fins de phrases du Capitaine.
Et ces fins de phrases sonnent menaçantes, ce qui fait fuir le Capitaine.

ex:
 Colombine : (chante en lavant son linge et elle entend du bruit dans les coulisses.) Qui est-ce?
Capitaine : (entrant en scène) C’est moi, petite tourterelle! Le capitaine, votre serviteur et fidèle amoureux.
Colombine : Encore vous!
Capitaine : Oui! Ah… donne-moi ta main mon adorée.
Colombine : Je vais vous la donner, sur la figure si vous ne vous calmez pas.
Capitaine : Ah, cruelle! Pour toi j’ai massacré des armées entières et j’irai mettre à mort mille dragons. Ah, ma bonne épée fait couler le sang de tous ceux qui veulent se mettre en travers de mon amour pour Colombine.
Colombine : Je n’ai pas besoin de tant de massacres! Et si vous voulez aller quelque part, allez dont voir ailleurs si j’y suis.
Capitaine : (prenant un air des plus malheureux) Je suis mort! On me poignarde dans le dos. Colombine, me voici gisant à tes genoux. (le capitaine se jette aux pieds de Colombine)
(Arlequin entre en scène et se tient à l’écart pour contempler la scène en serrant les poings de jalousie.)
Colombine : (elle aperçoit Arlequin) Cher capitaine, me laisseriez –vous finir ma lessive, si je vous donne un rendez-vous?
Capitaine : Magnifique! Ou, quand, mon aimée…
Colombine : Au fond du jardin, ce soir, à la nuit tombée.
Capitaine : J’y vole, j’y cours! À ce soir, ma petite colombe, Colombine. (il sort de scène en courant)
Arlequin : (avance vers Colombine, la mine menaçante) Ah, je t’y prends, misérable, méchante fille!
Colombine : (elle prend du linge dans sa bassine et le lance à la figure d’Arlequin) Que tu es bête, mon pauvre Arlequin! N’as-tu pas compris que ce rendez-vous est une ruse pour me débarrasser de cet idiot de Capitaine. Nous allons lui jouer un bon tour dont il se souviendra.
(Colombine et Arlequin sortent de scène en chuchotant et en riant)

(Le Capitaine entre en scène en portant une chandelle. Il regarde de tous côtés et n’a pas l’air très rassuré.)
Capitaine : (se parlant à lui-même) Ce n’est pas un lieu idéal pour un rendez-vous romantique. Cet endroit ne m’inspire pas confiance et je me sens tout nu sans mon épée. Voilà que je frissonne à présent. Est-ce le froid ? …non, l’air est doux. Est-ce la peur ? … non, non, non, la peur : je ne sais même pas ce que cela veut dire!
(Arlequin entre en scène sans se faire voir du Capitaine. Il se cache dans un coin.)
Capitaine : Qui va là ? Colombine ? Personne… c’est étrange, il m’a semblé voir passer une ombre. (Le Capitaine regarde de tous côtés. Ne voyant personne, il reprend courage et crie bien haut) Ohé, hé là, hé là ! Tu restes caché, brigand ! La peur te paralyse, Vaurien ! Et bien, fuis, abandonne !
Arlequin : (Arlequin, restant caché, fait l’écho et répète chaque fin de phrase du Capitaine) Donne…donne…donne…
Capitaine : Comment : donne ? Que veux-tu que je te donne espèce de trompe-la-mort !
Arlequin : Or…or…or…
Capitaine : Comment ? Tu en veux à mon or, pirate ? Montre-toi et dis-moi qui tu es?
Arlequin : Tuer…tuer…tuer…
Capitaine : On parle de me tuer ? Au meurtre ! À l’assassin ! On veut me tuer ! (Il sort de scène en tremblant de peur et en criant encore) À l’aide, au crime ! On m’égorge, on me trucide, on m’exécute, on me découpe…Arlequin : (sortant de sa cachette en riant) En voilà un que la peur va faire courir jusqu’à l’autre bout de la Terre ! Et croyez-moi, les plumes que porte le Capitaine sur son chapeau…ce sont bien celles d’une poule mouillée !
Favaro, Patrice, En scène, Éditions Casterman, 1994