La Fiancée enlaidie

Pantalon veut marier Colombine au Capitaine Spaventa qu’il croit riche et courageux. Colombine pleure et se désole car elle aime Arlequin. Mais le vieux grippe-sous ne veut pas consentir à un mariage qui ne
lui rapporterait rien. Pour fêter les fiançailles, il envoie le pauvre Arlequin acheter une corbeille de gâteaux. En revenant, Arlequin, désespéré, rencontre Polichinelle et Brighella.
Les deux compères qui ont le ventre vide et sont toujours prêts à « rouler » qui que ce soit, lui font raconter ses chagrins d’amour, et pendant ce temps, ils volent les gâteaux qu’ils remplacent par des cailloux.
Toutefois, apitoyés, ils lui suggèrent un stratagème pour éloigner définitivement de Venise l’arrogant Capitaine Spaventa : Colombine devra rencontrer le Capitaine en l’absence de Pantalon et s’enlaidir le plus possible pour lui inspirer crainte et répulsion.
Réconforté, Arlequin rentre à la maison et prépare la farce avec Colombine. Il expédie Pantalon place Saint Marc sous prétexte qu’il y est attendu pour des affaires urgentes. Colombine se déguise : une fausse verrue sur le nez, des pansements sur le bras et une bande Velpeau autour de la tête. Lorsqu’elle est ainsi accoutrée, le Capitaine Spaventa arrive.

Colombine.- Alors c’est vous mon fiancé ?
Le Capitaine Spaventa.- Ça devrait être moi…et vous, vous seriez ma fiancée ?
Colombine.– Si vous voulez bien ! Si j’ai la chance de vivre jusqu’au jour du mariage !
Le Capitaine (il sursaute et dit à voix basse).- Si je l’emmène dans mon pays ainsi affublée, ils
vont la mettre en quarantaine. (Il s’adresse tout fort à Combine). Mais, dites-moi, qu’est-ce que
vous avez aux bras ? (il les touche).
Colombine (poussant des cris).- Ahhh ! Ne me touchez pas ! Vous voulez ma mort ! Sur mes bras
il y a 25 ans que les puces ont fait leur nid !
Le Capitaine. – Bah ! Ça ne fait pas tant que ça ! Et que portez-vous sur la tête ? (Il la tâte)
Colombine (faisant un grand saut).- Ah ! Vous m’avez achevée ! Il y a dix ans que je souffre d’une sciatique à la tête ! Mais le médecin m’a dit que je guérirai ! Que je guérirai ! (elle sautille devant Le Capitaine qui recule de plus en plus).
Le Capitaine. – Peut-être bien que oui ! Peut-être bien que non ! Et au sommet du nez, qu’est-ce que vous avez ? (Il le touche).
Colombine. – Aïe ! Au secours ! Vous voulez me faire mourir ! Dans mon nez il y a 150 mille petites tumeurs !
Le Capitaine. – Eh bien ! Ce n’est rien du tout ! Une bagatelle ! Et le médecin qu’a-t-il dit ? Que vous alliez guérir ?
Colombine. – Oui ! Le médecin a dit que je guérirai ! Et grâce au ciel, je suis saine et frétillante comme un poisson dans l’eau. Seulement j’ai d’autres petites misères…
Le Capitaine. – Ah ! Vous avez d’autres petits ennuis ? Alors, qu’est-ce que vous avez encore de beau ?
Colombine. – Je vais vous le dire ! J’ai la teigne, j’ai la gale, j’ai la gourme, j’ai la vérole…
Le Capitaine.- Mais le médecin, que vous a-t-il dit ?
Colombine.- Que je guérirai ! Que je guérirai (elle s’approche de lui).
Le Capitaine.(il s’enfuit en hurlant).-Et à moi le médecin, il m’a dit de m’en aller, de m’en aller!

Arlequin et Colombine tombent dans les bras l’un de l’autre, ravis que la Capitaine ait pris la fuite. Pantalon, qui est sorti pour rien, arrive furieux et rencontre le capitaine qui se sauve en lui criant qu’il ne veut plus entendre parler de ce mariage. Pantalon entre alors dans la cuisine et voit la corbeille de gâteaux pleine de cailloux. Courroucé, il s’avance pour réprimander Arlequin et le trouve dans les bras de Colombine. Sa colère éclate, il veut battre Arlequin, répudier Colombine et demande conseil à l’illustre Docteur Balanzone.
Le Docteur arrive, gros et gras, bouffi d’orgueil et il commence à débiter ses interminables sornettes.

Docteur Balanzone.-
Illustres Messieurs, étant donné que
La rose fleurie embaume
Celui qui a tort n’a pas raison
Celui qui marche n’est pas mort
Ce qui est rond n’est pas carré
Ce qui est de travers n’est pas droit
Celui qui n’a pas de jambes a du mal à marcher  …

Colombine s’évanouit. Arlequin se bouche les oreilles. Pantalon s’agite et gesticule, et pour se débarrasser du vieux pédant42, il consent au mariage d’Arlequin et de Colombine.

Origine de la trame :

Classique